Des frappes aériennes israéliennes ont touché le principal aéroport du Yémen alors qu'un Airbus 320 civil avec des centaines de passagers à bord était en train d'atterrir et qu'une délégation de l'Organisation des Nations unies (ONU) attendait de partir, a indiqué vendredi le plus haut responsable humanitaire de l'ONU au Yémen.Â
Julien Harneis a déclaré aux journalistes que la chose la plus effrayante à propos des deux frappes aériennes de jeudi n'était pas leur effet sur lui et une quinzaine d'autres personnes dans le salon VIP de l'aéroport international de la capitale Sanaa, dont le chef de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).Â
Il s'agissait plutôt de la destruction de la tour de contrôle de l'aéroport alors qu'un avion de la compagnie aérienne yéménite Yemenia Airways roulait après avoir atterri.Â
«Heureusement, cet avion a pu atterrir en toute sécurité et les passagers ont pu débarquer, mais cela aurait pu être bien pire», a témoigné M. Harneis, qui était avec le directeur général de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, dans le salon.Â
Selon lui, une frappe aérienne a touché terre à environ 300 mètres au sud du salon VIP et une autre à environ 300 mètres au nord vers 16h45, alors qu'environ cinq membres de l'équipe de l'ONU se trouvaient à l'extérieur du bâtiment.Â
«Non seulement nous n'avons évidemment aucune indication d'une éventuelle frappe aérienne, mais nous ne nous souvenons pas de la dernière fois qu'il y a eu des frappes aériennes à Sanaa pendant la journée», a souligné M. Harneis lors d'une vidéoconférence depuis la ville.Â
Au moins trois morts
Au moins trois personnes ont été tuées et des dizaines blessées lors de la frappe, d'après l'ONU. Parmi les blessés se trouvait un membre de l'équipage du Service aérien humanitaire de l'ONU, qui s'apprêtait à faire décoller de Sanaa la délégation de l'ONU composée d'une vingtaine de personnes.Â
Il a été gravement blessé à la jambe par des éclats d'obus et a perdu beaucoup de sang, a expliqué M. Harneis.Â
Immédiatement après les frappes aériennes, les responsables de la sécurité de l'ONU ont fait sortir la délégation du bâtiment VIP et l'ont emmenée dans cinq voitures blindées où ils ont attendu environ 40 minutes pour déterminer ce qui s'était passé et aider le membre d'équipage blessé.Â
Il a été emmené dans un hôpital de Sanaa et a subi quatre heures d'opération chirurgicale, tandis que le reste de la délégation a passé la nuit dans une enceinte de l'ONU, a indiqué M. Harneis. L'avion de l'ONU avec M. Tedros et l'équipe de l'ONU, y compris le membre d'équipage blessé, a pu partir pour la Jordanie vendredi après-midi, sans tour de contrôle opérationnelle.Â
Le membre d'équipage blessé a été emmené dans un hôpital en Jordanie, a mentionné l'ONU, ajoutant que M. Tedros retournait à Genève, où l'OMS est basée.Â
Les rebelles houthis du Yémen, soutenus par l'Iran, qui contrôlent Sanaa et une grande partie du nord du pays, s'en prennent à Israël depuis qu'il a commencé à attaquer Gaza après les attaques du 7 octobre 2023. Les Houthis ont attaqué des navires dans la mer Rouge, perturbant l’une des principales routes maritimes du monde, et ont récemment intensifié leurs attaques de missiles et de drones contre Israël.
Israël intensifie sa riposte
L’armée israélienne a fait savoir qu’elle n’était pas au courant de la présence du chef de l’OMS ou de la délégation de l’ONU à l’aéroport de Sanaa jeudi. Israël a soutenu avoir bombardé l’aéroport parce qu’il est utilisé par les Houthis et l’Iran.
M. Harneis a répondu en soulignant que l’aéroport est civil, et non militaire, et qu’il est utilisé pour le transport du personnel de l’ONU et d’autres travailleurs humanitaires, ainsi que pour un vol civil, le Yémenia à destination et en provenance d’Amman, en Jordanie. Le vol fonctionne en vertu d’un accord international et des milliers de Yéménites ont utilisé ce vol pour obtenir des soins médicaux avancés à l’étranger, a-t-il expliqué.
Le Yémen est le pays le plus pauvre du monde arabe. Il est plongé dans une guerre civile de 10 ans entre les rebelles houthis, qui contrôlent Sanaa et une grande partie du nord du pays, et les forces gouvernementales internationalement reconnues dans le sud.
Tedros Adhanom Ghebreyesus était dans le pays pour discuter de l'aggravation de la crise humanitaire et pour obtenir la libération d'une cinquantaine de personnes détenues par les Houthis depuis le mois de juin.
Selon M. Harneis, 18 millions de Yéménites — environ la moitié de la population du pays — ont besoin d'aide humanitaire cette année. L'ONU s'attend à ce que ce nombre atteigne 19 millions l'année prochaine en raison de la détérioration de l'économie.
En plus des frappes aériennes sur l'aéroport de Sanaa, Israël a attaqué le port clé du pays, Hodeïda, dans l'ouest du Yémen.
Le Yémen dépend des importations via Hodeïda pour 80 % de sa nourriture et plus de 90 % de ses fournitures médicales vers le nord, d'après M. Harneis.
Une récente frappe aérienne israélienne a détruit deux remorqueurs et aurait réduit la capacité du port de 50 %, a déclaré le responsable de l'ONU, tandis que les dégâts causés par les frappes aériennes de jeudi n'ont pas encore été évalués.
En ce qui concerne les détenus, M. Harneis a expliqué qu'il avait rejoint le chef de l'OMS lors de réunions avec le premier ministre houthi, le ministre des Affaires étrangères et un membre du Conseil politique suprême du groupe. Ils avaient reçu des engagements sur la libération éventuelle des détenus et sur la voie à suivre pour y parvenir, ainsi que sur les conditions dans lesquelles ils sont détenus.